Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/55

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conséquent chargée du soin de gouverner un grand royaume, elle étoit obligée de se dépouiller de ses inclinations particulières pour ne songer qu’au bien public, et de n’avoir plus d’autres intérêts que ceux de l’État, qui étoient tout-à-fait opposés à ceux qu’elle avoit eus quand elle n’avoit point d’enfans, et qu’on la menaçoit à tous momens de la renvoyer en Espagne : car en ce temps-là elle n’avoit que fort peu d’amis et de serviteurs à qui elle devoit avoir de la reconnoissance ; mais que depuis ce temps-là, outre le souvenir de leurs services qu’elle ne devoit pas perdre, elle devoit rendre la justice à tous les sujets du Roi son fils. Le prétendu assassinat dont on accusoit en général ceux de cette cabale ne lui paroissoit pas même trop incroyable à elle, qui savoit, à n’en pouvoir douter, qu’il avoit effectivement eu dessein de tuer le cardinal de Richelieu : ceux qu’on s’imagine pouvoir avoir eu dessein d’assassiner le cardinal Mazarin étant du nombre des importans, qui n’en faisoient point de scrupule dans le règne du feu Roi. Le lendemain de la détention du duc de Beaufort, pendant qu’on peignoit la Reine, elle nous fit l’honneur de nous dire, à deux de ses femmes et à moi, ce que ce prince avoit dit à Guitaut quand il fut arrêté. Elle estima la grandeur de son courage d’avoir marqué tant d’indifférence pour son malheur, et nous dit qu’elle l’avoit plusieurs fois averti de changer de conduite, et que s’il avoit cru ses conseils il auroit évité sa disgrâce ; et nous assura qu’elle s’étoit résolue de le faire arrêter avec une douleur incroyable, le plaignant de tout ce qu’il alloit souffrir lui et toute sa famille ; et que dans le moment qu’elle sut qu’on exécutoit l’ordre qu’elle