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pour aller dans son évêché de Beauvais la faire à un meilleur maître que les plus grands et les meilleurs rois du monde ne le peuvent être, où il a vécu saintement le reste de sa vie[1].

Ce prélat étoit si peu habile, qu’il fut aisé à ses ennemis de lui faire perdre l’estime de la Reine. Le cardinal Mazarin se servit d’une chose dite par lui trop légèrement, pour la persuader qu’il étoit incapable d’aucun secret. Après la prison du duc de Beaufort, cet évêque dit à M. le prince qu’il s’étonnoit qu’il eût consenti à cette détention. M. le prince, qui n’en étoit point affligé, lui répondit : « Et vous, monsieur, qui êtes le ministre de la Reine, comment ne l’avez-vous pas empêché ? — Je l’aurois fait, lui dit l’évêque de Beauvais, et je l’aurois averti si je l’avois su. » M. le prince, qui trouva cette réponse indigne d’un homme employé dans les affaires d’État, s’en moqua, et la conta à quelques-uns de ses familiers. Brancas, fils du duc de Villars, la sut, et quelques-uns de ses amis. Comme il étoit attaché au duc d’Orléans, et qu’il étoit ami de l’abbé de La Rivière, il lui en fit l’histoire. L’abbé la dit à son maître, à la Reine et au cardinal Mazarin ; et le cardinal ne manqua pas d’en faire son profit, faisant voir à cette princesse combien un

  1. Le reste de sa vie. Le manuscrit offre quelques autres détails sur l’évêque de Beauvais. « C’est une chose dont on ne sauroit parler sans blâmer la Reine, puisqu’elle pouvoit faire cet évêque cardinal pour récompenser ses services, sans le laisser dans le ministère. Il étoit homme de bien, fort pieux et fort paisible : de sorte qu’il pouvoit vivre dans la cour auprès d’elle, sans soupçon que ses intrigues pussent jamais troubler l’État. Il avoit du mérite envers elle (et même elle lui devoit beaucoup d’argent) et beaucoup de vertu. L’argent sans doute a été payé ; mais la fidélité, qui vaut mieux que tous les trésors des Indes, fut fort mal récompensée. »