Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/58

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homme en qui elle ne pouvoit trouver de sûreté dans ses secrets lui étoit dangereux. Cette imprudence contribua beaucoup à le faire éloigner ; mais par elle-même, comme je l’ai déjà dit, elle avoit aperçu qu’il n’étoit pas capable de lui aider à soutenir le sceptre, dont la pesanteur l’incommodoit. La Reine n’étoit pas habituée au travail, et les continuelles fonctions de la Régence lui faisant peur, elle désiroit un homme habile et intelligent qui pût la soulager ; et ne le trouvant point en la personne de l’évêque de Beauvais, elle choisit le cardinal Mazarin, qui lui parut avoir toutes les qualités qui sont nécessaires à un grand ministre.

Madame de Chevreuse, dégoûtée de voir tous ses amis exilés et maltraités, et son crédit diminuer tous les jours, se plaignit à la Reine du peu de considération qu’elle avoit pour ses anciens serviteurs. La Reine la pria de ne se mêler de rien, de la laisser gouverner l’État, et disposer de ses affaires à son gré. Elle lui conseilla, à ce qu’elle m’a fait l’honneur de me dire, de vivre agréablement en France, de ne se mêler d’aucune intrigue, et de jouir sous sa régence du repos qu’elle n’avoit pu avoir du temps du feu Roi. Elle lui représenta qu’il étoit temps de se plaire dans la retraite, et de régler sa vie sur les pensées de l’autre monde. Elle lui dit qu’elle lui promettoit son amitié à cette condition ; mais que si elle vouloit troubler la cour, qu’elle la forceroit de l’éloigner, et qu’elle ne pouvoit lui promettre de grâce plus grande que celle d’être au moins chassée la dernière. Madame de Chevreuse ne reçut pas ces remontrances et ces conseils avec la soumission d’esprit pratiquée dans les