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que, sans lui faire de grâce, on pouvoit lui donner cette louange, et peut-être qu’elle étoit assez capable de donner son avis sur la paix ; mais on peut dire d’elle, avec justice, que ceux qui ont examiné ce qui paroissoit de bon en elle lui ont trouvé beaucoup de défauts. Elle étoit distraite en ses discours, et très-occupée des chimères que son inclination à l’intrigue lui donnoit. Il est à présumer aussi que ses jugemens n’ont pas toujours été réglés par la raison, et que ses passions ont beaucoup contribué à les former en elle. La Reine et son ministre pouvoient donc la craindre avec quelque sujet. Je lui ai ouï dire à elle-même, sur ce que je la louai un jour d’avoir eu part à toutes les grandes affaires qui étoient arrivées dans l’Europe, que jamais l’ambition ne lui avoit touché le cœur, mais que son plaisir l’avoit menée ; c’est-à-dire qu’elle s’étoit intéressée dans les affaires du monde seulement par rapport à ceux qu’elle avoit aimés.

Dans le même temps, ou peu après, on fit commandement à tous les évêques de s’en aller à leurs diocèses. Cet ordre fut donné, afin que l’évêque de Lisieux[1] se retirât dans le sien. Il étoit dévot, grand prédicateur, et libre à dire la vérité. Il étoit le saint de la cour ; il avoit toujours appelé la Reine sa bonne fille, et la Reine avoit toute sa vie marqué l’estimer infiniment. Le feu cardinal, quoiqu’il ne l’aimât pas, à cause qu’il étoit bon ami de la Reine, ne l’avoit jamais voulu chasser, et avoit toujours quelque vénération pour sa vertu et pour sa barbe grise ; mais enfin il fallut qu’il s’en allât bientôt, aussi bien que les

  1. L’évêque de Lisieux : Philippe de Cospeau. Il avoit été évéque de Nantes.