Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/59

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couvens : elle ne crut pas que la charité et le soin de son salut en fussent la principale cause. Ce n’est pas dans la cour où se débite cette marchandise de bonne foi ; ce n’est pas aussi dans ce lieu où elle est reçue avec humilité. Les pensées saintes n’entrent point dans les cœurs par des motifs humains : au contraire, rien ne révolte tant les esprits que les prédications à contretemps. Celle-là eut son effet de cette manière ; et comme la Reine n’eut pas de satisfaction de sa réponse ni de sa conduite, le dégoût s’augmenta de son côté, et madame de Chevreuse, connoissant que la bonté de la Reine diminuoit pour elle, ne s’étonna point quand enfin elle reçut commandement d’aller à Tours ou à l’une de ses maisons. Elle partit de la cour, et fut quelques jours chez elle ; mais ne pouvant se tenir en repos, elle en partit déguisée, elle et mademoiselle sa fille ; et voulant gagner l’Angleterre, elle demeura malade dans les îles de Guernesey, où elle souffrit beaucoup de misères. De là elle revint en Flandre, où le duc de Lorraine, tout banni qu’il étoit, la reçut et l’assista beaucoup. Le cardinal Mazarin disoit, pour se disculper de sa disgrâce, qu’elle avoit trop d’amour pour l’Espagne ; qu’elle vouloit absolument faire faire la paix à l’avantage des Espagnols, et qu’il n’avoit jamais pu acquérir son amitié. J’ai ouï dire, à ceux qui l’ont connue particulièrement, qu’il n’y a jamais eu personne qui ait si bien connu les intérêts de tous les princes, et qui en parlât si bien, et même je l’ai entendue louer de sa capacité ; mais il ne m’a pas paru par sa conduite que ses lumières aient été aussi grandes que sa réputation. Comme elle avoit de l’esprit, et qu’elle avoit pratiqué les étrangers, il est à croire