Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 39.djvu/6

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d’honnêtes gens dans cette cabale qui étoient de mes amis, je leur dis ma pensée, et je les fis demeurer d’accord que j’avois raison de me moquer d’eux. Ensuite de cela, je me mis à parler avec quelques gens sages et modérés. Ils trouvèrent que la prison de M. le prince étoit sans doute une action vigoureuse et hardie qui vraisemblablement devoit faire du bien à la France, et devoit même calmer les passions trop violentes de cet illustre prisonnier ; mais comme les corps infirmes, et dont les mauvaises humeurs se sont trop ébranlées, ne peuvent souffrir les médecines sans une trop grande émotion, ils jugèrent ce même jour que la cour étant agitée de toutes les factions qui depuis long-temps altéroient son repos, il étoit à craindre qu’elle ne pût profiter de ce remède. Par cette action, le cardinal Mazarin montra clairement qu’il n’étoit pas si foible qu’il ne fît des actions de grande force quand il lui plaisoit ; et un[1] de ceux qui avoient traité cette affaire avec lui me dit alors que quand il lui avoit proposé d’arrêter M. le prince, il n’avoit pas hésité un moment à s’y résoudre. Il est certain néanmoins qu’il avoit montré tant de crainte de lui déplaire, et avoit vécu avec lui avec tant de soumission, qu’il l’avoit lui-même par cette voie convié d’en abuser. M. le prince, de son naturel, n’étoit pas si redoutable dans le cabinet qu’à la guerre ; et pour peu qu’il eût rencontré de fermeté dans l’ame du ministre, ceux qui le connoissoient à fond disoient qu’il auroit été doux et traitable, et que ses derniers emportemens ne procédoient que du mé-

  1. Laigues fut le premier qui proposa au ministre d’arrêter M. le prince ; et ce fut lui qui m’en parla.