Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
MÉMOIRES

fort basse et étrangère (il étoit flamand) à l’épiscopat ; il l’avoit soutenu avec une piété sans faste et sans fard. Son désintéressement étoit au-delà de celui des anachorètes : il avoit la vigueur de saint Ambroise, et il conservoit, dans la cour et auprès du Roi, une liberté que M. le cardinal de Richelieu, qui avoit été son écolier en théologie, craignoit et révéroit. Ce bonhomme, qui avoit tant d’amitié pour moi qu’il me faisoit trois fois la semaine des leçons sur les épîtres de saint Paul, se mit en tête de convertir M. de Turenne, et de m’en donner l’honneur.

M. de Turenne avoit beaucoup de respect pour lui : mais il lui en donna encore beaucoup plus de marques par une raison qu’il m’a dite lui-même, mais qu’il ne m’a dite que plus de dix ans après. M. le comte de Brion[1], que vous pouvez, je crois, avoir vu dans votre enfance sous le nom de duc de Damville, étoit fort amoureux de mademoiselle de Vendôme, qui a été depuis madame de Nemours ; et il étoit aussi fort ami de M. de Turenne, qui, pour lui faire plaisir et lui donner lieu de voir plus souvent mademoiselle de Vendôme, affectoit d’écouter les exhortations de M. de Lizieux, et de lui rendre même beaucoup de devoirs. Le comte de Brion, qui avoit été deux fois capucin, et qui faisoit un salmigondis perpétuel de dévotion et de péchés, prenoit une sensible part à sa conversion prétendue ; et il ne bougeoit des conférences qui se faisoient très-souvent, et qui se tenoient toujours dans la chambre de madame de Vendôme. Brion avoit fort peu d’esprit : mais il avoit beaucoup de routine, qui en beaucoup de choses

  1. François-Christophe de Levi de Ventadour, mort en 1661. (A. E.)