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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/187

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DU CARDINAL DE RETZ.

son mérite de la dispense qu’il avoit prise sur le point de l’excès de son ambition. Il n’avoit ni l’esprit ni le cœur au dessus des périls : il n’avoit ni l’un ni l’autre au dessous ; et l’on peut dire qu’il en prévint davantage par sa sagacité, qu’il n’en surmonta par sa fermeté. Il étoit bon ami ; il eût même souhaité d’être aimé du public ; mais quoiqu’il eût la civilité, l’extérieur, et d’autres parties propres à cet effet, il n’en eut jamais ce je ne sais quoi qui est encore en cette matière plus requis qu’en toute autre. Il anéantissoit, par son pouvoir et par son faste royal, la majesté personnelle du Roi ; mais il remplissoit avec tant de dignité les fonctions de la royauté, qu’il falloit n’être pas du vulgaire pour ne pas confondre le bien et le mal en ce fait. Il distinguoit plus judicieusement qu’homme du monde entre le mal et le pis, entre le bien et le mieux : ce qui est une grande qualité à un ministre. Il s’impatientoit trop facilement dans les petites choses, qui étoient les préalables des grandes ; mais ce défaut, qui vient de la sublimité de l’esprit, est toujours joint à des lumières qui le suppléent. Il avoit assez de religion pour ce monde ; il alloit au bien ou par inclination ou par bon sens, toutes les fois que son intérêt ne le portoit point au mal, qu’il connoissoit parfaitement quand il le faisoit. Il ne considéroit l’État que pour sa vie ; mais jamais ministre n’a eu plus d’application à faire croire qu’il en ménageoit l’avenir. Enfin il faut confesser que tous ses vices ont été de ceux que la grande fortune rend aisément illustres, parce qu’ils ont été de ceux qui ne peuvent avoir pour instrumens que de grandes vertus.