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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/188

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MÉMOIRES

Vous jugez facilement qu’un homme qui a d’aussi grandes qualités et autant d’apparence de celles même qu’il n’avoit pas, se conserve assez aisément dans le monde cette sorte de respect qui démêle le mépris d’avec la haine, et qui, dans un État où il n’y a plus de lois, supplée, au moins pour quelque temps, à leur défaut.

Le cardinal Mazarin étoit d’un caractère tout contraire : sa naissance étoit basse, son enfance honteuse. Au sortir du Colisée[1], il apprit à piper : ce qui lui attira des coups de bâton d’un orfèvre de Rome, appelé Moreto. Il fut capitaine d’infanterie en Valteline ; et Bagni, qui étoit son général, m’a dit qu’il ne passa dans sa guerre, qui ne fut que de trois mois, que pour un escroc. Il eut la nonciature extraordinaire en France, par la faveur du cardinal Antoine[2], qui ne s’acquéroit pas en ce temps-là par de bons moyens. Il plut à Chavigny par des contes libertins d’Italie, et par Chavigny à Richelieu, qui le fit cardinal, par le même esprit (à ce qu’on croit) qui obligea Auguste à laisser à Tibère la succession de l’Empire. La pourpre ne l’empêcha pas de demeurer valet sous Richelieu. La Reine l’ayant choisi, faute d’autre (ce qui est vrai, quoiqu’on en dise), il parut d’abord l’original de Trivelino principe. La fortune l’ayant ébloui et tous les autres, il s’érigea et on l’érigea en Richelieu ; mais il n’en eut que l’imprudence et l’imitation. Il se fit de la honte de tout ce que l’autre s’étoit fait de l’honneur. Il se moqua de la religion : il promit tout

  1. Au sortir du Colisée : Les détails qui suivent sont puisés dans les libelles publiés contre le cardinal Mazarin.
  2. Antonio Barberini. (A. E.)