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MÉMOIRES

Emery, surintendant des finances, et à mon sens l’esprit le plus corrompu de son siècle, ne cherchoit que des noms pour trouver des édits. Je ne puis mieux vous exprimer le fond de l’ame du personnage qui disoit en plein conseil (je l’ai ouï), que la foi n’étoit que pour les marchands ; et que les maîtres des requêtes qui l’alléguoient pour raison dans les affaires qui regardoient le Roi méritoient d’être punis. Je ne puis mieux vous exprimer le défaut de son jugement. Cet homme, qui avoit été condamné à Lyon, dans sa jeunesse, à être pendu, gouvernoit même avec empire le cardinal Mazarin en tout ce qui regardoit le dedans du royaume. Je choisis cette remarque entre douze ou quinze que je vous pourrois faire de telle nature, pour vous donner à entendre l’extrémité du mal, qui n’est jamais à son période que quand ceux qui commandent ont perdu la honte, parce que c’est justement le moment dans lequel ceux qui obéissent perdent le respect ; et c’est dans ce même moment où l’on revient de la léthargie, mais par des convulsions.

Les Suisses paroissoient, pour ainsi parler, si étouffés sous la pesanteur de leurs chaînes, qu’ils ne respiroient plus, quand la révolte de trois de leurs puissans cantons forma des ligues. Les Hollandais se croyoient subjugués par le duc d’Albe, quand le prince d’Orange, par le sort réservé aux grands génies, qui voient avant tous les autres le point de la possibilité, conçut et enfanta leur liberté. Voilà des exemples : la raison y est. Ce qui cause l’assoupissement dans les États qui souffrent est la durée du mal, qui saisit l’imagination des hommes, et qui leur fait croire qu’il ne finira jamais. Aussitôt qu’ils trou-