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[1648] MÉMOIRES

testament de saint Louis (c’étoit le jour de sa fête), je lui avois recommandé, comme il est porté par le même testament, le soin de ses grandes villes. Vous allez voir la sincérité de toutes ces confidences.

Le lendemain de la fête, c’est-à-dire le 26 août 1648, le Roi alla au Te Deum. L’on borda, selon la coutume, depuis le Palais-Royal jusqu’à Notre-Dame, toutes les rues de soldats du régiment des Gardes. Aussitôt que le Roi fut revenu au Palais-Royal, l’on forma de tous ces soldats trois bataillons, qui demeurèrent sur le Pont-Neuf et à la place Dauphine. Comminges, lieutenant des gardes de la Reine, enleva dans un carrosse fermé le bonhomme Broussel[1], conseiller de la grand’chambre, et le mena à Saint-Germain. Blancménil[2], président aux enquêtes, fut pris en même temps aussi chez lui, et conduit au bois de Vincennes. Vous vous étonnerez du choix de ce dernier ; et si vous aviez connu le bonhomme Broussel, vous ne seriez pas moins surprise du sien. Je vous expliquerai ce détail en temps et lieu ; mais je ne puis vous exprimer la consternation qui parut dans Paris le premier quart d’heure de l’enlèvement de Broussel, et le mouvement qui s’y fit dès le second. La tristesse ou plutôt l’abattement saisit jusqu’aux enfans : l’on se regardoit, et l’on ne se disoit rien. On éclata tout d’un coup, on s’émut, on courut, on cria, et l’on ferma les boutiques. J’en fus averti et quoique je ne fusse pas insensible à la manière dont j’avois été joué la veille au Palais-Royal, où l’on m’avoit même prié de faire savoir, à ceux qui étoient de mes amis dans le

  1. Pierre Broussel. (A. E.)
  2. René Potier, sieur de Blancménil. (A. E.)