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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

parlement, que la bataille de Lens n’y avoit causé que des sentimens de modération et de douceur ; quoique, dis-je, je fusse très-piqué, je ne laissai pas de prendre le parti, sans balancer, d’aller trouver la Reine, et de m’attacher à mon devoir préférablement à toutes choses. Je le dis en ces propres termes à Chapelain, à Gomberville, et à Plot, chanoine de Notre-Dame et présentement chartreux, qui avoient dîné chez moi. Je sortis en rochet et en camail ; et je ne fus pas arrivé au Marché-Neuf, que je fus accablé d’une foule de peuple qui hurloit plutôt qu’il ne crioit. Je m’en démêlai en leur disant que la Reine leur feroit justice. Je trouvai sur le Pont-Neuf le maréchal de La Meilleraye à la tête des gardes, qui, bien qu’il n’eût encore en tête que quelques enfans qui disoient des injures et qui jetoient des pierres aux soldats, ne laissoit pas d’être fort embarrassé, parce qu’il voyoit que les nuages commençoient à se grossir de tous côtés. Il fut très-aise de me voir : il m’exhorta de dire à la Reine la vérité ; il s’offrit d’en venir lui-même rendre témoignage. J’en fus très-aise à mon tour ; et nous allâmes ensemble au Palais-Royal, suivis d’un nombre infini de peuple qui crioit Broussel ! Broussel ! Nous trouvâmes la Reine dans le grand cabinet, accompagnée de Monsieur, du cardinal Mazarin, de M. de Longueville, du maréchal de Villeroy, de l’abbé de La Rivière, de Bautru, de Guitaut, capitaine des gardes, et de Nogent[1]. Elle ne me reçut ni bien ni mal. Elle étoit trop fière et trop aigrie pour avoir de la honte de ce qu’elle m’avoit dit la veille, et le cardinal n’étoit pas assez honnête homme pour en avoir.

  1. Nicolas, comte de Bautru-Nogent. (A, E.)