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[1648] MÉMOIRES

le tambour, et de faire reprendre les armes au premier ordre qu’il recevroit de moi.

Il trouva, en descendant mon degré, un frère de son cuisinier, qui ayant été condamné à être pendu, et n’osant marcher de jour par la ville, y rôdoit assez souvent la nuit. Cet homme venoit de rencontrer par hasard auprès du logis de Miron deux espèces d’officiers qui parloient ensemble, et qui nommoient souvent le maître de son frère. Il les écouta, caché derrière une porte, et il ouït que ces gens-là (nous sûmes depuis que c’étoit Vannes, lieutenant colonel des gardes, et Rubantel, lieutenant au même régiment) discouroient de la manière dont il faudroit entrer chez Miron pour le surprendre, et des postes où il seroit bon de mettre les gardes, les Suisses, les gendarmes, les chevau-légers, pour s’assurer de tout ce qui étoit depuis le Pont-Neuf jusqu’au Palais-Royal. Cet avis, joint à celui que nous avions par le maréchal de La Meilleraye, nous obligea à prévenir le mal ; mais d’une façon toutefois qui ne parût pas offensive, n’y ayant rien de si grande conséquence dans les peuples que de leur faire paroître, même quand on attaque, que l’on ne songe qu’à se défendre. Nous exécutâmes notre projet en ne portant que des manteaux noirs[1] sans armes, c’est-à-dire des bourgeois considérables, dans les lieux où nous avions appris que l’on se disposoit à mettre des gens de guerre ; parce que ainsi l’on se pouvoit assurer que l’on ne prendroit les armes que quand on l’ordonneroit. Miron s’acquitta si généreusement et

  1. Des manteaux noirs : Les gens du peuple et la petite bourgeoisie portoient alors des manteaux gris.