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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

si heureusement de cette commission, qu’il y eut plus de quatre cents gros bourgeois assemblés par pelotons, avec aussi peu de bruit et aussi peu d’émotion qu’il y en eût pu avoir si les novices des Chartreux y fussent venus pour y faire leurs méditations.

Je donnai ordre à L’Epinai, dont je vous ai déjà parlé à propos des affaires de feu M. le comte, de se tenir prêt pour se saisir au premier ordre de la barrière des Sergens, qui est vis-à-vis de Saint-Honoré, et pour y faire une barricade contre les gardes qui étoient au Palais-Royal. Et comme Miron nous dit que le frère de son cuisinier avoit ouï nommer plusieurs fois la porte de Nesle[1] à ces deux officiers dont je vous ai déjà parlé, nous crûmes qu’il ne seroit pas mal à propos d’y prendre garde, dans la pensée que nous eûmes que l’on pensoit peut-être à enlever quelqu’un par cette porte. Argenteuil, brave et déterminé autant qu’homme fût au monde, en prit le soin, et il se mit chez un sculpteur qui étoit tout proche, avec vingt bons soldats que le chevalier d’Humieres[2], qui faisoit une recrue à Paris, lui prêta. Je m’endormis après avoir donné cet ordre, et je ne fus réveillé qu’à six heures par le secrétaire de Miron, qui me vint dire que les gens de guerre n’avoient point paru pendant la nuit ; que l’on avoit vu seulement quelques cavaliers qui sembloient être venus pour reconnoître les pelotons des bourgeois, et qu’ils s’en étoient retournés au galop après les avoir un peu

  1. La porte de Nesle : Elle étoit à l’extremité de la rue de Seine, près du quai.
  2. Le chevalier d’Humières : Louis de Crévant. Il fut depuis maréchal de France, et mourut en 1694.