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[1648] MÉMOIRES

considérés ; que ce mouvement lui faisoit juger que la précaution que nous avions prise avoit été utile pour prévenir l’insulte que l’on pourroit avoir projetée contre des particuliers ; mais que le mouvement qui commençoit à paroître chez M. le chancelier marquoit que l’on méditoit quelque chose contre le public ; que l’on voyoit aller et venir des hoquetons, et que Ondedei y étoit allé quatre fois en deux heures.

Quelque temps après, l’enseigne de la colonelle de Miron me vint avertir que le chancelier marchoit avec toute la pompe de la magistrature droit au Palais ; et Argenteuil m’envoya dire que deux compagnies des gardes suisses s’avançoient du côté du faubourg, vers la porte de Nesle. Voilà le moment fatal. Je donnai mes ordres en deux paroles, et ils furent exécutés en deux momens. Miron fit prendre les armes. Argenteuil, habillé en maçon, et une règle à la main, chargea les Suisses en flanc, en tua vingt ou trente, prit un des drapeaux, et dissipa le reste. Le chancelier, poussé de tous côtés, se sauva à peine dans l’hôtel d’O, qui étoit au bout du quai des Augustins, du côté du pont Saint-Michel. Le peuple rompit les portes, et y entra avec fureur ; et il n’y eut que Dieu qui sauva le chancelier et l’évêque de Meaux son frère à qui il se confessa, en empêchant que cette canaille, qui s’avisa de bonne fortune pour lui à piller, ne s’avisât pas de forcer une petite chambre dans laquelle il s’étoit caché.

Ce mouvement fut comme un incendie subit et violent qui se prit du Pont-Neuf à toute la ville. Tout le monde sans exception prit les armes. L’on voyoit les enfans de cinq et six ans le poignard à la main ;