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[1648] MÉMOIRES

condamneroit pas les sentimens. Nous convînmes que je continuerois à faire pousser le cardinal par le parlement ; que je mènerois la nuit, dans un carrosse inconnu, M. le prince chez Longueil et Broussel, pour les assurer qu’ils ne seroient pas abandonnés au besoin ; que M. le prince donneroit à la Reine toutes les marques de complaisance et d’attachement ; et qu’il répareroit même avec soin celles qu’il avoit laissé paroître de son mécontentement du cardinal, afin de s’insinuer dans l’esprit de la Reine, et de la disposer insensiblement à recevoir et à suivre ses conseils ; qu’il feindroit dans les commencements de donner en tout dans son sens, et que peu à peu il essaieroit de l’accoutumer à écouter les vérités auxquelles elle avoit toujours fermé l’oreille ; que l’animosité des peuples augmentant, et les délibérations du parlement continuant, il feroit semblant de s’affoiblir contre sa propre inclination et par la pure nécessité ; et qu’en laissant ainsi couler le cardinal plutôt que tomber, il se trouveroit maître du cabinet par l’esprit de la Reine, et arbitre du public par l’état des choses, et par le canal des serviteurs qu’il y avoit.

Il est constant que, dans l’agitation où l’on étoit, il n’y avoit que ce remède pour rétablir les affaires, et il n’étoit pas moins facile que nécessaire. Il ne plut pas à la providence de Dieu de le bénir, quoiqu’elle lui eût donné la plus belle ouverture qu’ait jamais pu avoir aucun projet. Vous en verrez la suite, après que je vous aurai dit un mot de ce qui se passa immédiatement auparavant.

Comme la Reine n’étoit sortie de Paris que pour se donner lieu d’attendre avec plus de liberté le retour