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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

propos du drap de pied de Notre-Dame ; et je l’avois servi auparavant avec chaleur dans le démêlé qu’il eut avec Monsieur touchant le chapeau de cardinal, prétendu par monsieur son frère. La Rivière eut l’insolence de s’en plaindre, et le cardinal eut la foiblesse d’y balancer. J’offris à M. le prince l’intervention en corps de l’Église de Paris. Je vous marque cette circonstance, que j’avois oubliée dans ce récit, pour vous faire voir que je pouvois judicieusement aller à la cour.

La Reine m’y traita admirablement bien ; elle faisoit collation auprès de la grotte : elle affecta de ne donner qu’à madame la princesse la mère[1], à M. le prince et à moi des poncires[2] d’Espagne que l’on lui avoit apportés. Le cardinal me fit des honnêtetés extraordinaires ; mais je remarquai qu’il observoit avec application la manière dont M. le prince me traiteroit. Il ne fit que m’embrasser en passant dans le jardin ; mais à un autre tour d’allée il me dit fort bas : « Je serai demain à sept heures chez vous ; il y aura trop de monde à l’hôtel de Condé. »

Il n’y manqua pas ; et aussitôt qu’il fut dans le jardin de l’archevêché, il m’ordonna de lui exposer au vrai l’état des choses et toutes mes pensées. Je vous puis et dois dire pour la vérité que j’aurois lieu de souhaiter que le discours que je lui fis, et que je lui fis beaucoup plus de cœur que de bouche, fût imprimé et soumis au jugement des trois États assemblés : on trouveroit beaucoup de défauts dans mes expressions ; mais j’ose vous assurer qu’on n’en

  1. Charlotte-Marguerite de Montmorency, morte en 1650. (A. E.)
  2. Gros citrons. (A. E.)