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[1649] MÉMOIRES

tant rebattues, mon avis seroit que, plutôt que de nous servir du peuple pour l’abattre, nous le devrions laisser agir suivant sa pente, et nous abandonner à la sincérité de nos intentions. Je sais que le monde, qui ne juge que par les événemens, ne leur fera pas justice ; mais je sais aussi qu’il y a beaucoup de rencontres où il faut espérer uniquement de son devoir les bons événemens. Je ne répéterai point ici les raisons qui marquent si clairement, ce me semble, les règles de notre devoir en cette conjoncture. La lettre y est grosse pour M. de Beaufort et pour moi ; il ne m’appartient pas d’y vouloir lire ce qui vous touche : mais je ne laisserai pas de prendre la liberté de vous dire que j’ai observé qu’il y a des heures, dans chaque jour, où vous avez aussi peu de disposition que moi à vous faire Espagnol. Il faut d’autre part se défendre, s’il se peut, de la tyrannie que nous avons cruellement irritée. Voici mon avis : il faut que messieurs les généraux signent dès demain un traité avec l’Espagne, par lequel elle s’engage de faire entrer incessamment son armée en France jusques à Pont-à-Verre, et de ne lui donner de mouvement, au moins en deçà de ce poste, que celui qui sera concerté avec nous. »

Comme j’achevois de prononcer cette période, Briquemaut entra, qui nous dit qu’il y avoit dans la chambre un courrier de M. de Turenne, qui avoit crié tout haut, en entrant dans la cour : Bonnes nouvelles ! et qui ne s’étoit pas voulu toutefois expliquer avec lui en montant les degrés. Le courrier, qui étoit un lieutenant du régiment de Turenne, voulut