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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

nous le dire avec apparat, et il s’en acquitta assez mal. La lettre de M. de Turenne à madame de Bouillon étoit très-succincte : un billet qu’il m’écrivoit n’étoit pas plus ample ; et un papier plié en mémoire pour mademoiselle de Bouillon sa sœur étoit en chiffre. Nous en apprîmes assez pour ne pas douter qu’il ne se fût déclaré ; que son armée, qui étoit la meilleure sans contredit qui fût en Europe, ne se fût engagée avec lui ; et qu’Erlac, gouverneur de Brisach, qui avoit fait tous ses efforts au contraire, n’eût été obligé de se retirer dans sa place avec mille ou douze cents hommes : ce qui étoit ce qu’il avoit pu débaucher. Un quart-dheure après que le courrier fut entré, il se ressouvint qu’il avoit une lettre dans sa poche du vicomte de Lamet, qui servoit dans la même armée, mon parent proche et mon ami intime. Il me donnoit en son particulier toutes les assurances imaginables, et il ajoutoit qu’il marchoit avec deux mille chevaux droit à nous, et que M. de Turenne le devoit suivre un tel jour et en tel lieu avec le gros. C’est ce que M. de Turenne mandoit en chiffre à mademoiselle de Bouillon.

Vous êtes surprise sans doute de ce que M. de Turenne, qui en toute sa vie n’avoit je ne dis pas été de parti, mais qui n’avoit jamais voulu ouïr parler d’intrigues, s’avise de se déclarer contre la cour, étant général de l’armée du Roi, et de faire une action sur laquelle je suis assuré que le Balafré[1] et

  1. Henri de Lorraine, premier du nom, duc de Guise, etc., surnomme le Balafré, à cause d’une blessure qu’il reçut à la joue gauche au combat de Dormans, et dont la cicatrice lui demeura toute sa vie. Il forma la Ligue, et fut poignardé aux États de Blois en 1588. (A. E.)