Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laire où il courut quelque danger. Toujours rempli d’idées orgueilleuses et gigantesques, il dit à Joly qui l’accompagnoit : « Je surpasse Henri IV en un point, puisque la vie de ce prince n’a été en péril que onze fois, et que la mienne y a été quinze. » Il s’embarqua enfin à Vivacos, bourg du royaume de Valence ; et après avoir essuyé une tempête, et risqué d’être pris par la flotte française, chargée d’une expédition dans le royaume de Naples, il arriva à Rome le 28 novembre.

Ayant trouvé dans cette ville des sommes considérables qui avoient été mises à sa disposition, soit par quelques anciens frondeurs, soit par les jansénistes, il y vécut sur le pied d’un homme qui sembloit tirer vanité de sa disgrâce. Il ne marchoit qu’escorté par une troupe de cent cavaliers, et son équipage se composoit de trois carrosses à six chevaux. Accueilli par le pape Innocent x, qui avoit quelques démêlés avec la France, il reçut le pallium des mains de ce pontife, et aussitôt il s’occupa de renouer le fil des intrigues qu’il n’avoit pas cessé d’entretenir à Paris, Une pièce sur laquelle il fondoit de grandes espérances étoit une circulaire aux prélats français, dont la minute lui avoit été envoyée par messieurs de Port-Royal. Son affaire y étoit éloquemment discutée sous le double rapport de la théologie et de la politique. Elle contenoit des maximes hardies et séditieuses ; et tout portoit à croire qu’elle produiroit en France le plus grand effet. Cependant il n’osa la faire partir avant de l’avoir communiquée au cardinal Chigi, secrétaire d’État ; et ce ministre, qui la trouva beaucoup trop forte, lui conseilla de la supprimer.