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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

trouvèrent presque tout ému de l’emportement où il avoit été contre le cardinal, et que le premier mot qu’il dit à Le Tellier fut un reproche du pas auquel il l’avoit engagé, et qui avoit été si mal secondé par M. le cardinal, toute la compagnie, qui m’avoit trouvé seul avec lui, ne douta pas que je ne l’eusse échauffé ; et quoique je me joignisse de très-bonne foi à ceux qui le supplioient d’attendre, avant que de se plaindre, le retour de Coudray-Montpensier, qu’il avoit envoyé à la cour et à Bordeaux touchant les offres qui lui avoient été inspirées par Le Tellier : personne, à la réserve du président de Bellièvre qui savoit ma pensée, ne douta que ce que je disois ne fût un jeu tout pur. Ce qui le faisoit croire encore davantage est que de temps en temps je faisois de certains signes à Monsieur, pour le faire ressouvenir de ce qu’il venoit de confesser lui-même, qu’il n’étoit pas temps d’éclater contre le cardinal. On prenoit ces signes au sens contraire, parce que Monsieur ne s’en aperçut pas d’abord, et qu’il continua à pester : de sorte que quand il se radoucit, ils crurent que la force de leurs raisons l’avoit emporté sur la fureur de mes conseils ; et dès le soir ils s’en firent honneur, et l’écrivirent à la cour. Madame de Lesdiguières m’en fit voir une relation très-habilement et très-malicieusement circonstanciée, quinze jours ou trois semaines après ; mais elle ne me voulut pas dire de qui elle la tenoit : elle protesta seulement que ce n’étoit pas du maréchal de Villeroy. Je crus qu’elle étoit de Vardes[1], qui étoit en ce temps-là un peu amoureux d’elle.

M. de Beaufort vint à cet instant chez Monsieur ;

  1. François-René Du Bec, marquis de Vardes, mort en 1688. (A. E.)