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[1650] MÉMOIRES

que je croyois que son premier dessein avoit été, connoissant que la présence du Roi n’avoit pas produit à Bordeaux l’effet qu’on en avoit attendu ; que son premier dessein, dis-je, avoit été de penser sérieusement à l’accommodement, et qu’il avoit donné sur cela ses ordres à Le Tellier ; que voyant depuis que les Espagnols ne faisoient pas, pour le secours de cette ville, ce qu’il en avoit dû craindre lui-même, il avoit changé d’avis dans la vue et dans l’espérance de la réduire ; que je ne prétendois pas faire son panégyrique en l’excusant ainsi : mais que je concevois pourtant que l’on devoit faire une notable différence entre une faute de cette espèce, et celle dont Son Altesse Royale le soupçonnoit. Voilà par où je commençai son apologie ; je la continuai par tout ce que le meilleur de ses amis eût pu dire pour sa défense, et je la finis par l’explication de la maxime qui nous ordonne de ne nous pas si fort choquer des fautes de ceux qui sont nos amis que nous en donnions de l’avantage à ceux contre qui nous agissons. Cette dernière considération toucha Monsieur, qui revint à lui presque tout d’un coup, et qui me dit : « Je vous l’avoue, il n’est pas encore temps de mettre à bas Mazarin. » Je remarquai ces paroles, et je les dis le soir au président de Bellièvre, qui me répondit : « Alerte ! cet homme peut nous échapper à tous les momens. »

Comme cette conversation avec Monsieur finissoit, M. le garde des sceaux, M. le premier président, M. d’Avaux, et les présidens Le Coigneux le père et de Bellièvre, qu’il avoit envoyé quérir, entrèrent dans sa chambre avec M. Le Tellier ; et comme ils le