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[1651] MÉMOIRES

et M. le prince réunis, et croyant que Monsieur n’auroit pas la force de se soutenir contre eux. Il ne jugea pas bien : car je suis persuadé que si lui-même ne se fût pas détaché, Monsieur eût fait tout ce que nous eussions désiré, et qu’il l’eût fait à jeu sûr. Il ne tint pas à moi de lui faire connoître qu’il le pouvoit même sans lui, comme il étoit vrai car comme il fut entré après cette conférence dans la chambre de Madame, où madame et mademoiselle de Chevreuse l’attendoient, je lui proposai en leur présence d’amuser messieurs les princes, sous prétexte de les consulter encore sur le même sujet ; et je ne lui demandai que deux heures de temps pour faire prendre les armes aux colonels, et pour leur faire voir qu’il étoit absolument maître du peuple. Madame, qui pleuroit de colère, et qui vouloit à toutes forces qu’on prît ce parti, l’ébranla, et il dit : « Mais si nous prenions cette résolution, il faut les arrêter tout-à-l’heure, et eux et mon neveu de Beaufort. — Ils sont allés dans le cabinet des livres, répondit mademoiselle« de Chevreuse, attendre Votre Altesse Royale. Il n’y a qu’à donner un tour de clef pour les y enfermer. J’envie cet honneur au vicomte d’Autel : ce sera une belle chose qu’une fille arrête un gagneur de batailles ! » Elle fit un saut, en disant cela, pour y aller. La grandeur de la proposition étonna Monsieur ; et comme je connoissois parfaitement son naturel, je ne la lui avois pas faite d’abord, et je ne lui avois parlé que de les amuser. Comme il avoit de l’esprit, il jugea bien que dès qu’il y auroit du bruit dans la ville, il seroit absolument nécessaire de les arrêter, et son imagination lui en arracha la proposition. Si