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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

pas le sang, et qu’il crut par cette raison qu’il demeureroit à la fin maître ; et il est vrai qu’il me répéta deux ou trois fois, dans le discours, la parole de Machiavel, qui dit que la plupart des hommes périssent, parce qu’ils ne sont qu’à demi méchans. Je suis encore convaincu que Montrésor se trompoit ; que Lyonne n’avoit d’autre intention, dès qu’il commença à me parler, que de tirer de moi tout ce qui pouvoit être de la mienne, pour en faire l’usage qu’il en fit ; et ce qui me l’a toujours persuadé, c’est un certain air que je remarquai dans son visage et dans ses paroles qui ne se peut exprimer, mais qui prouve souvent beaucoup mieux que tout ce qui se peut exprimer. C’est une remarque que j’ai faite peut-être plus de mille fois dans ma vie. J’observai aussi dans cette rencontre qu’il y a des points inexplicables dans les affaires, et inexplicables même dans leur instant. La conversation que j’eus avec Lyonne chez Montrésor commença à cinq heures du matin, et finit à sept. Lyonne en avertit à huit M. le maréchal de Gramont, qui la fit savoir à dix par Chavigny à M. le prince. Il y a apparence que Lyonne étoit bien intentionné pour lui. Il est constant toutefois qu’il ne lui découvrit rien du détail ; qu’il ne nomma pas Hocquincourt, qui étoit cependant le plus dangereux ; et qu’il se contenta de lui faire dire que la Reine traitoit avec le coadjuteur pour le faire arrêter. Je n’ai jamais osé entamer avec M. de Lyonne cette affaire, qui, comme vous voyez, n’est pas le plus bel endroit de sa vie. M. le prince, à qui j’en ai parlé, n’est pas plus informé que moi, à ce qu’il m’a paru, de l’inégalité de cette conduite. La Reine, avec laquelle j’ai eu une