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[1651] MÉMOIRES

M. le prince avoit affaire eût embarrassé Sertorius : jugez, s’il vous plaît, quel effet elle pouvoit faire dans celui d’un prince du sang, couvert de lauriers innocens, qui ne regardoit la qualité de chef de parti que comme un malheur, et même un malheur qui étoit au dessous de lui ! Une de ses grandes peines, à ce qu’il m’a dit depuis, fut de se défendre des défiances, qui sont naturelles et infinies dans les commencemens des affaires encore plus que dans leurs progrès et dans leurs suites. Comme rien n’y est encore formé, et que tout y est vague, l’imagination, qui n’y a point de bornes, se prend et s’étend même à tout ce qui est possible. Le chef est par avance responsable de tout ce qu’on soupçonne lui pouvoir tomber dans l’esprit. M. le prince, pour cette raison, ne se crut point obligé de donner une audience particulière à M. le maréchal de Gramont, quoiqu’il l’eût toujours fort aimé. Il se contenta de lui dire, en présence de toutes les personnes de qualité qui étoient avec lui, qu’il ne pouvoit retourner à la cour tant que les créatures de M. le cardinal y tiendroient les premières places. Tous ceux qui étoient dans les intérêts de M. le prince, et qui souhaitaient pour la plupart l’accommodement, trouvoient leur compte à cette proposition, qui, effrayant les subalternes du cabinet, les rendoit plus souples aux différentes prétentions des particuliers. Chavigny, qui alloit et venoit de Saint-Maur à Paris et de Paris à Saint-Maur, se faisoit un mérite auprès de la Reine (à ce qu’elle me dit elle-même) de ce que le premier feu que ce nouvel éclat de M. le prince avoit jeté s’étoit plutôt attaché à Le Tellier, à Lyonne et Servien : qu’au cardinal même. Il ne laissoit pas