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[1649] MÉMOIRES

dition qu’il croyoit aisée à émouvoir dans la disposition où il voyoit le peuple ; mais il la perdit aussitôt qu’il eut fait réflexion sur mille circonstances qui faisoient que, même selon ses principes, elle ne pouvoit être de saison. Une des moindres fut que l’armée d’Espagne s’étoit déjà retirée.

Madame de Bouillon me fit pitié ce soir-là : elle versa un torrent de larmes. Il y a eu des momens où M. de Bouillon a manqué des coups décisifs par lui-même, et par le pur esprit de négociation. Ce défaut, qui m’a paru en lui un peu trop naturel, m’a fait quelquefois douter qu’il eût été capable de tout ce que ses grandes qualités ont fait croire de lui.

Le premier avril, qui fut le jeudi saint de l’année 1649, la déclaration de la paix fut vérifiée au parlement. Comme je fus averti la nuit précédente que le peuple s’étoit attroupé en quelques endroits pour s’y opposer, et qu’il menaçoit même de forcer les gardes qui étoient au Palais, j’affectai de finir un peu tard la cérémonie des saintes huiles que je faisois à Notre-Dame, pour me tenir en état de marcher au secours du parlement s’il étoit attaqué. On me vint dire, comme je sortois de l’église, que l’émotion commençoit sur le quai des Orfèvres : et comme j’étois en chemin pour y aller, je trouvai un page de M. de Bouillon, qui me donna un billet par lequel il me conjuroit d’aller prendre ma place au parlement, parce qu’il craignoit que le peuple ne m’y voyant pas n’en prit sujet de se soulever, en disant que c’étoit une marque que je n’approuvois pas la paix. Je ne trouvai dans les rues que des gens qui crioient : Point de Mazarin ! point de paix ! Je dissipai ce que