Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/421

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dévoré ? pour qui travaillons-nous ? Je sais que nous sommes obligés de faire ce que nous faisons ; je sais que nous ne pouvons mieux faire ; mais nous devons nous réjouir d’une nécessité qui nous porte un mieux, duquel il n’est pas possible que nous ne retombions bientôt dans le pis. — Je vous entends, répondit le président de Bellièvre et je vous arrête en même temps pour vous dire ce que j’ai appris de Cromwell (M. de Bellièvre l’avoit vu et connu en Angleterre). Il me disoit un jour que l’on ne montoit jamais si haut que quand on ne sait où l’on va. — Vous savez, dis-je à de Bellièvre, que j’ai horreur pour Cromwell ; mais, quelque grand homme qu’on nous le prône, j’y ajoute le mépris s’il est de ce sentiment ; il est d’un fou. » Je ne vous rapporte ce dialogue, qui n’est rien en soi, que pour vous faire voir l’importance qu’il y a à ne parler jamais des gens qui sont dans les grands postes. M. le président de Bellièvre, en rentrant dans son cabinet où il y avoit force gens, dit cette parole comme une marque de l’injustice que l’on me faisoit quand on disoit que mon ambition étoit sans mesure et sans bornes. Elle fut rapportée au Protecteur, qui s’en souvint avec aigreur dans une occasion dont je vous parlerai dans la suite, et qui dit à, M. de Bordeaux, ambassadeur de France en Angleterre « Je ne connois qu’un homme au monde qui me méprise, qui est le cardinal de Retz. » Cette opinion faillit à me coûter cher. Je reprends le fil de ma narration.

Monsieur, qui étoit très-aise de s’être tiré à si bon marché des embarras que vous avez vus ci-dessus, ne songea qu’à les éviter pour l’avenir et s’en alla le 26