Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
[1649] MÉMOIRES

le cardinal avoit été fort étonné de ce discours, auquel il n’avoit répondu que par un galimatias, « que l’on lui fera bien expliquer, ajouta-t-elle, quand on le tiendra à Paris. » Je remarquai ce mot, que je lui fis moi-même expliquer ; et j’appris que M. le prince faisoit état de ne pas demeurer long-temps en Bourgogne, et d’obliger à son retour la cour de revenir à Paris, où le cardinal seroit plus souple qu’ailleurs. Cette parole faillit à me coûter la vie, comme vous verrez. Mais parlons auparavant de ce qui se passoit à Paris.

La licence y étoit d’autant plus grande que nous ne pouvions donner ordre à celle même qui ne nous convenoit pas. C’est le plus irrémédiable de tous les inconvéniens qui sont attachés à la faction : et il est très-grand, en ce que la licence qui ne convient pas à la faction lui est presque toujours funeste, parce qu’elle la décrie. Nous avions intérêt de ne pas étouffer les libelles et les vaudevilles qui se faisoient contre le cardinal : mais nous n’en avions pas un moindre à supprimer ceux qui se faisoient contre la Reine et contre l’État. On ne peut s’imaginer la peine que la chaleur des esprits nous donna sur ce sujet. La tournelle condamna à mort deux criminels[1] convaincus d’avoir mis au jour deux ouvrages très-dignes du feu. Comme ils étoient sur l’échelle, ils crièrent qu’on les faisoit mourir pour avoir débité des vers contre le Mazarin : le peuple les enleva à la justice. Je touche cette circonstance pour vous faire connoître l’embarras où sont les gens sur le compte desquels on ne

  1. Un de ces criminels étoit Marlot, imprimeur. Il avoit été condamné au gibet pour avoir imprimé un libellé très-offensant contre contre la peine, Voyez les Mémoires de Guy-Joly. (A. E.)