le cardinal avoit été fort étonné de ce discours, auquel il n’avoit répondu que par un galimatias, « que l’on lui fera bien expliquer, ajouta-t-elle, quand on le tiendra à Paris. » Je remarquai ce mot, que je lui fis moi-même expliquer ; et j’appris que M. le prince faisoit état de ne pas demeurer long-temps en Bourgogne, et d’obliger à son retour la cour de revenir à Paris, où le cardinal seroit plus souple qu’ailleurs. Cette parole faillit à me coûter la vie, comme vous verrez. Mais parlons auparavant de ce qui se passoit à Paris.
La licence y étoit d’autant plus grande que nous ne pouvions donner ordre à celle même qui ne nous convenoit pas. C’est le plus irrémédiable de tous les inconvéniens qui sont attachés à la faction : et il est très-grand, en ce que la licence qui ne convient pas à la faction lui est presque toujours funeste, parce qu’elle la décrie. Nous avions intérêt de ne pas étouffer les libelles et les vaudevilles qui se faisoient contre le cardinal : mais nous n’en avions pas un moindre à supprimer ceux qui se faisoient contre la Reine et contre l’État. On ne peut s’imaginer la peine que la chaleur des esprits nous donna sur ce sujet. La tournelle condamna à mort deux criminels[1] convaincus d’avoir mis au jour deux ouvrages très-dignes du feu. Comme ils étoient sur l’échelle, ils crièrent qu’on les faisoit mourir pour avoir débité des vers contre le Mazarin : le peuple les enleva à la justice. Je touche cette circonstance pour vous faire connoître l’embarras où sont les gens sur le compte desquels on ne
- ↑ Un de ces criminels étoit Marlot, imprimeur. Il avoit été condamné au gibet pour avoir imprimé un libellé très-offensant contre contre la peine, Voyez les Mémoires de Guy-Joly. (A. E.)