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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/57

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[1649] MÉMOIRES

elle fut, à ce qu’elle a dit depuis, de ne me rien dire de fâcheux.

Servien racontoit un jour au maréchal de Clérembault que l’abbé Fouquet[1] proposa de me faire assassiner chez lui (Servien) où je dînois ; et il ajouta qu’il étoit arrivé à temps pour empêcher ce malheur. M. de Vendôme, qui vint au sortir de table chez Servien, me pressa de partir, en me disant qu’on tenoit de fâcheux conseils contre moi ; mais quand cela n’auroit pas été, M. de Vendôme l’auroit dit pourtant, car il n’y a jamais eu un imposteur pareil à lui.

Je revins à Paris, ayant fait tout ce que j’avois souhaité. J’avois effacé le soupçon que les frondeurs fussent contraires au retour du Roi ; j’avois jeté sur le cardinal toute la haine du délai ; je l’avois bravé dans son trône ; je m’étois assuré l’honneur principal du retour. Il y eut le lendemain un libelle qui mit tous ces avantages dans leur jour. Le président de Bellièvre fit voir à madame de Montbazon que les circonstances particulières m’avoient forcé à changer de résolution touchant la visite du cardinal. J’en persuadai aisément M. de Beaufort, qui fut d’ailleurs chatouillé du succès que cette démarche eut auprès du peuple. Hocquincourt, qui étoit de nos amis, fit le même jour je ne sais quelle bravade au cardinal. Je ne me ressouviens point du détail, mais nous le relevâmes de mille couleurs. Enfin nous connûmes visiblement que nous avions encore pour long-temps de la provision dans l’imagination du peuple ce qui fait le tout en ces sortes d’affaires.

  1. Basile Fouquet, abbé de Barjeau, frère du surintendant des finances mort en 1683. (A. E.)