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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

Sauvebœuf. Ce parlement avoit dépêché à celui de Paris un de ses conseillers appelé Guyonnet. Celui-ci ne bougeoit de chez M. de Beaufort, à qui tout ce qui paroissoit plus grand paroissoit bon. Il ne tint pas à moi d’empêcher toutes ces apparences qui ne servoient à rien, et qui au contraire pouvoient nuire.

M. le prince me parla avec aigreur de ces conférences de Guyonnet avec M. de Beaufort ce qui fait voir qu’il étoit bien éloigné de fomenter les désordres de la Guienne. Mais le cardinal le croyoit, parce que M. le prince penchoit à l’accommodement, et n’étoit pas d’avis que l’on harcelât une province aussi importante que la Guienne, pour le caprice de M. d’Epernon. Un des plus grands défauts du cardinal Mazarin étoit qu’il n’a jamais pu croire que personne lui parlât avec bonne intention.

Comme M. le prince avoit voulu se réunir toute sa maison il crut qu’il ne pourroit satisfaire pleinement M. de Longueville, qu’il n’eût obligé le cardinal à lui tenir la parole qu’on lui avoit donnée à la paix de Ruel ; c’est-à-dire de lui mettre entre les mains le Pont-de-l’Arche qui, joint au vieux Palais de Rouen, à Caen et à Dieppe, ne convenoit pas mal à un gouverneur de Normandie. Le cardinal s’opiniâtra à ne le pas faire. M. le prince se trouvant un jour au cercle, et voyant qu’il faisoit le fier plus qu’à l’ordinaire, lui dit, en sortant du cabinet de la Reine : « Adieu, Mars. » Cela se passa à onze heures du soir ; je le sus un demi quart-d’heure après, ainsi que tout le reste de la ville. Et comme j’allois le lendemain sur les sept heures du matin à l’hôtel de Vendôme y chercher M. de Beaufort, je le trouvai sur le Pont-Neuf,