Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/204

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servirai toutefois que de la moitié de ce droit : c’est-à-dire que, quoique je ne fasse pas état de me déterminer moi-même sur le sentiment que Votre Altesse Royale doit préférer, je ne laisserai pas de lui exposer les inconvéniens de tous les deux, avec la même liberté que si je croyois me pouvoir fixer moi-même à l’un ou à l’autre. Si elle obéit, elle est responsable à tout le public de tout ce qu’il souffrira dans la suite. Je ne juge point du détail de ce qu’il souffrira : car qui peut juger d’un futur qui dépend des vétilles d’un cardinal, de l’impétuosité d’Ondedei, de l’impertinence de l’abbé Fouquet, de la violence d’un Servien ? Mais enfin vous répondrez de tout ce qu’ils feront au public, parce qu’il sera persuadé qu’il n’a tenu qu’à vous de l’empêcher. Si vous n’obéissez pas, vous courez fortune de bouleverser l’État. » Monsieur m’interrompit à ce mot, et me dit, même avec précipitation : « Ce n’est pas de quoi il s’agit : il s’agit de savoir si je suis en état, c’est-à-dire en pouvoir, de ne pas obéir. Je le crois, monsieur, lui répondis-je ; car je ne vois pas comment la cour s’y pourra prendre à vous faire obéir. Il faudra que le Roi marche en personne au Luxembourg ; et ce sera une grosse affaire. » M. de Beaufort exagéra l’impossibilité qu’il y trouveroit, et au point que je m’aperçus que Monsieur commençoit à s’en persuader ; et il étoit tout propre, supposé cette persuasion, à prendre le parti de demeurer chez lui les bras croisés, parce que de sa pente il alloit toujours à ne point agir. Je crus que j’étois obligé, par toutes sortes de raisons, à lui éclaircir cette thèse : ce que je