Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/206

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Je vois bien, monsieur, que vous ne comprenez pas ma pensée ; je ne parle à Son Altesse Royale comme je fais, que parce que j’ai vu qu’il croyoit qu’il pouvoit demeurer au Luxembourg en toute sûreté malgré le Roi. Je ne serai jamais d’aucun avis dans l’état où les affaires sont réduites. Ç’a toujours été à Monsieur à décider ; c’est même à lui à proposer, et à nous à exécuter. Il ne sera jamais dit que je lui aie conseillé, ni de souffrir le traitement qu’il reçoit, ni de faire demain au matin les barricades. Je lui ai tantôt dit les raisons que j’ai pour cela : il m’a commandé de lui expliquer les inconvéniens que je crois aux deux partis, et je m’en suis acquitté. » Monsieur me laissa parler tant que je voulus ; et après qu’il eut fait trois ou quatre tours de chambre, il revint à moi, et il me dit : « Si je me résous à disputer le pavé, vous déclarerez-vous pour moi ? — Oui, monsieur, et sans balancer ; je le dois, je suis attaché à votre service ; je n’y manquerai pas certainement, et vous n’avez qu’à commander : mais j’en serai au désespoir, parce qu’en l’état où sont les choses, un homme de bien ne peut pas n’y pas être, quoi que vous fassiez. » Monsieur, qui n’avoit qu’une bonté de facilité, mais qui n’étoit pas tendre, ne laissa pas d’être ému de ce que je lui disois. Les larmes lui vinrent aux yeux : il m’embrassa et puis me demanda tout d’un coup si je croyois qu’il pût se rendre maître de la personne du Roi. Je lui répondis qu’il n’y avoit rien au monde de plus impossible, la porte de la Conférence étant gardée comme elle l’étoit. M. de Beaufort lui en proposa des moyens qui étoient impraticables en tous sens. Il