Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/212

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couronnant la bonne conduite qu’il venoit de prendre par des complaisances justes, raisonnables, et dans lesquelles même il pourroit trouver son compte.

Vous voyez que ces expressions n’étoient pas autrement obscures. Quand la Reine vit que je n’y répondois que par des termes généraux, elle se referma non pas seulement sur la matière, mais encore sur la manière dont elle m’avoit traité auparavant. Elle rougit, et me parla plus froidement : ce qui étoit toujours en elle un signe de colère. Elle se remit pourtant un peu après, et me demanda si j’avois toujours confiance en madame de Chevreuse : à quoi je lui répondis que j’étois toujours beaucoup son serviteur. Elle reprit brusquement cette parole, et il me parut qu’elle la reprit avec joie, en me disant : « J’entends bien, vous en avez davantage en la palatine, et vous avez raison. — J’en ai beaucoup, madame, lui répondis-je, en madame la palatine ; mais je supplie Votre Majesté de me permettre que je n’en aie plus qu’à elle-même. — Je le veux bien, me dit-elle assez bonnement. Adieu : toute la France est là dedans qui m’attend. »

Je vous supplie de trouver bon que je vous rende compte en cet endroit d’un détail qui est nécessaire, et qui vous fera connoître que ceux qui sont à la tête des grandes affaires ne trouvent pas moins d’embarras dans leur propre parti que dans celui de leurs ennemis. Les miens, quoique tout-puissans dans l’État, l’un par sa naissance, par son mérite et par sa faction, et l’autre par sa faveur, n’avoient pu avec tous leurs efforts m’obliger à quitter mon poste ; et je puis dire sans vanité que je l’aurois conservé, et même avec dignité, en lâchant seulement un peu la voile,