Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’eus depuis : car vous avez vu qu’auparavant même je lui parlois presque toujours avec la même sincérité. Je lui dis donc que j’avois une joie sensible d’avoir enfin rencontré le moment que j’avois souhaité si passionnément depuis long-temps, de la pouvoir servir sans restriction ; que tant que Monsieur avoit été engagé dans les mouvemens, je n’avois pu suivre mon inclination, par la raison de mes engagemens avec lui, par lesquels elle savoit que je ne l’avois jamais trompée ; que si j’avois eu l’honneur de la voir en particulier la veille du jour où je lui parlois, j’en aurois usé à mon ordinaire, parce que je n’en aurois pas pu user autrement avec honneur ; que Monsieur étant sorti de Paris dans la pensée et la résolution de ne plus entrer dans aucunes affaires publiques, m’avoit rendu ma liberté, c’est-à-dire qu’il m’avoit proprement remis dans mon naturel ; dont j’avois une joie que je ne pouvois assez exprimer à Sa Majesté. Elle me répondit le plus honnêtement du monde ; mais je m’aperçus qu’elle me voulut faire parler sur les dispositions de Monsieur. Elle eut contentement : car je l’assurai, et avec beaucoup de vérité, qu’il étoit fort résolu à demeurer en repos dans sa solitude. « Il ne l’y faut pas laisser, reprit-elle ; il peut être utile au Roi et à l’État. Il faut que vous l’alliez querir, et que vous nous le rameniez. » Je faillis à tomber de mon haut car je vous avoue que je ne m’attendois pas à ce discours. Je le compris pourtant bientôt, non pas qu’elle me l’expliquât clairement mais elle me fit entendre que la dignité du Roi étant satisfaite par l’obéissance que Monsieur lui avoit rendue, il ne tiendroit qu’à lui de se rétablir plus que jamais dans ses bonnes grâces, en