Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/231

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de M. de Broussel, l’on se seroit moqué de ceux qui auroient cru qu’elles eussent été seulement possibles. J’arrivai à Vincennes entre huit et neuf heures du soir ; et M. le maréchal d’Albret m’ayant demandé, à la descente du carrosse, si je n’avois rien à faire savoir au Roi, je lui répondis que je croirois manquer au respect que je lui devois si je prenois cette liberté.

On me mena dans une. grande chambre où il n’y avoit ni tapisserie ni lit ; celui que l’on y apporta sur les onze heures du soir étoit de taffetas de la Chine, peu propre pour un ameublement d’hiver. Je dormis très-bien : ce que l’on ne doit pas attribuer à la fermeté, parce que le malheur fait naturellement cet effet en moi. J’ai éprouvé en plus d’une occasion qu’il m’éveille le jour, et qu’il m’assoupit la nuit. Ce n’est pas force d’esprit, et je l’ai connu après que je me suis bien examiné moi-même ; parce que j’ai senti que ce sommeil ne vient que de l’abattement où je suis, dans les momens où la réflexion que je fais sur ce qui me chagrine n’est pas divertie par les efforts que je fais pour m’en garantir. Je trouve une satisfaction sensible à me développer, pour ainsi parler, moi-même, et à vous rendre compte des mouvemens les plus cachés et les plus intérieurs de mon ame.

Je fus obligé de me lever le lendemain sans feu, parce qu’il n’y avoit point de bois pour en faire ; et les trois exempts que l’on avoit mis auprès de moi eurent la bonté de m’assurer que je n’en manquerois pas le lendemain. Celui qui demeura seul à ma garde le prit pour lui ; et je fus quinze jours, à Noël, dans une chambre grande comme une église, sans me