Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/230

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M. de Vennes, lieutenant-colonel du régiment des gardes, qui y commandoit huit compagnies. Comme on vouloit gagner la porte Saint-Antoine, il y en avoit deux ou trois autres devant lesquelles il falloit passer. Il y avoit à chacune un bataillon de Suisses, qui avoient les piques baissées vers la ville. Voilà bien des précautions, et des précautions bien inutiles. Rien ne branla dans la ville ; la douleur et la consternation y parurent ; mais elles n’allèrent pas jusqu’au mouvement, soit que l’abattement du peuple fût en effet trop grand, soit que ceux qui étoient bien intentionnés pour moi perdissent le courage, ne voyant personne à leur tête. On m’en a parlé depuis diversement. Le Houx, boucher, mais homme de crédit dans le peuple et de bon sens, m’a dit que toute la boucherie de la place aux Veaux fut sur le point de prendre les armes ; et que si M. de Brissac ne lui eût dit que l’on me feroit tuer si on les prenoit, il eût fait les barricades dans ce quartier-là avec toute sorte de facilité. L’Epinay m’a confirmé la même chose de la rue Montmartre. Il me semble que M. le marquis de Château-Renaud, qui se donna bien du mouvement ce jour-là pour émouvoir le peuple, m’a dit qu’il n’y avoit pas trouvé jour ; et je sais bien que Malclerc, qui courut pour le même dessein les ponts de Notre-Dame et de Saint-Michel, qui étoient fort à moi, y trouva les femmes en larmes, mais les hommes dans l’inaction et la frayeur. Personne au monde ne peut juger de ce qui fût arrivé, s’il y avoit eu une épée tirée. Quand il n’y en a point de tirée dans ces rencontres, tout le monde juge qu’il n’y pourroit rien avoir ; et s’il n’y eût point eu de barricades à la prise