Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/235

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narum[1]. Mon exempts n’oublioit rien pour troubler la tranquillité de mes études, et pour tenter de me donner du chagrin. Il me dit un jour que le Roi lui avoit commandé de me faire prendre l’air, et de me mener sur le haut du donjon. Comme il crut que j’y avois du divertissement, il m’annonça, avec une joie qui paroissoit dans ses y eux qu’il avoit reçu un contre-ordre. Je lui répondis qu’il étoit venu tout à propos, parce que l’air, qui étoit trop vif au dessus du donjon, m’avoit fait mal à la tête. Quatre jours après il me proposa de descendre au jeu de paume pour y voir jouer mes gardes. Je le priai de m’en dispenser, parce qu’il me sembloit que l’air y devoit être trop subtil ; mais il m’y força en me disant que le Roi, qui avoit plus de soin de ma santé que je ne croyois, lui avoit commandé de me faire faire exercice. Il me pria ensuite de l’excuser de ce qu’il ne m’y faisoit plus descendre, « pour quelques considérations, ajouta-t-il, que je ne vous puis dire. » À la vérité, je m’étois mis assez au dessus de toutes ces chicaneries, qui ne me touchoient point dans le fond et pour lesquelles je n’avois que du mépris ; mais je vous confesse que je n’avois pas la même supériorité d’ame pour la substance de la prison, si l’on peut se servir de ce terme : et la vue de me trouver tous les matins en me réveillant entre les mains de mes ennemis me faisoit sentir que je n’étois rien moins que stoïque. Ame qui vive ne s’aperçut de mon chagrin ; mais il fut extrême par cette unique raison. C’est un effet de l’orgueil

  1. Partus Vincennarum : Joly, dans ses Mémoires, prétend que le cardinal avoit donné ce titre au commencement d’une histoire latine de sa vie, écrite dans sa prison de Vincennes.