Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme la barque longue faisoit force de vent sur nous et que même elle nous le gagnoit, nous crûmes que nous ferions mieux de nous jeter à terre dans l’île de Rhuis. La barque fit quelque mine de nous y suivre : elle bordeya assez long-temps à notre vue après quoi elle reprit la mer. Nous nous y remîmes la nuit et nous arrivâmes à Belle-Ile à la petite pointe du jour.

Je souffris tout ce que l’on peut souffrir dans ce trajet, et j’eus besoin de toute la force de ma constitution pour défendre et pour sauver de la gangrène une contusion aussi grande que la mienne, et à laquelle je n’appliquai jamais d’autre remède que du sel et du vinaigre. Je ne trouvai pas à Belle-Ile le même dégoût qu’à Machecoul ; mais je n’y trouvai pas dans le fond beaucoup plus de fermeté. On s’imagina au pays de Retz que le commandeur de Neufchaise, qui étoit à La Rochelle, auroit ordre au premier jour de m’investir dans Belle-Ile. On y apprit que le maréchal faisoit appareiller deux barques longues à Nantes. Ces avis étoient bons et véritables ; mais il s’en falloit bien qu’ils fussent si pressans qu’on les croyoit. Il falloit du temps pour les rendre tels, et plus qu’il n’en eût fallu pour me remettre. La frayeur qui étoit à Machecoul inspira de l’indisposition à Belle-Ile ; et je m’en aperçus en ce que l’on commença à croire que je n’avois pas en effet l’épaule démise, et que la douleur que je recevois de ma contusion faisoit que je m’imaginois que mon mal étoit plus grand qu’il ne l’étoit en effet. On ne peut s’imaginer le chagrin que l’on a de ces sortes de murmures, quand on sent qu’ils sont injustes. Le chevalier