Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Sévigné, homme de cœur, mais intéressé, craignoit que l’on ne lui rasât sa maison ; et M. de Brissac, qui croyoit avoir suffisamment réparé la paresse plutôt que la foiblesse qu’il avoit témoignée dans le cours de ma prison, étoit bien aisé de finir, et de ne pas exposer son repos à une agitation à laquelle on ne voyoit plus de fin. Je n’avois pas moins d’impatience qu’eux de les voir hors d’une affaire à laquelle ils n’étoient plus engagés que pour l’amour de moi. La différence est que je ne croyois pas le péril si pressant ni pour eux ni pour moi, que je ne pusse, au moins à mon sens, prendre le temps et de me faire traiter, et de me pourvoir d’un bâtiment raisonnable pour naviguer. Ils me voulurent persuader de passer en Hollande sur un vaisseau de Hambourg qui étoit à la rade ; et je ne crus pas que je dusse confier ma personne à un inconnu qui me connoissoit, et qui pouvoit me mener à Nantes comme en Hollande. Je leur proposai de me faire venir cette barque de corsaire de Biscaye, qui étoit mouillée à notre vue à la pointe de l’île, et ils appréhendèrent de criminaliser par ce commerce avec l’Espagnol. Je m’embarquai enfin sur une barque de pêcheurs, où il n’y avoit que cinq mariniers de Belle-Ile, Joly, deux de mes gentilshommes, et un valet de chambre que mon frère m’avoit prêté. La barque étoit chargée de sardines : ce qui nous vint assez à propos, parce que nous n’avions que fort peu d’argent. Mon frère m’en avoit envoyé ; mais l’homme qui le portoit avoit été arrêté par les garde-côtes. Monsieur son beau-père n’avoit pas eu l’honnêteté de m’en offrir. M. de Brissac me prêta quatre-vingts pistoles, et celui qui commandoit dans Belle-Ile quarante.