Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/276

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du jour une chaloupe à la mer. Nous nous en approchâmes avec beaucoup de peine, parce qu’elle appréhendoit que nous ne fussions corsaires. Nous parlâmes espagnol et français à trois hommes qui étoient dedans mais ils n’entendoient ni l’une ni l’autre langue. L’un d’eux se mit à crier : San-Sebastien !, pour nous donner à connoître qu’il en étoit ; nous lui, montrâmes de l’argent, et nous lui répondîmes : San-Sebastien ! pour lui faire entendre que c’étoit où nous voulions aller. Il se mit dans, notre barque, et il nous y conduisit : ce qui lui fut aisé, parce que nous n’en étions pas bien éloignés.

Nous ne fûmes pas plus tôt arrivés qu’on nous demanda notre charte-partie qui est si nécessaire à la mer que tout homme qui navigue sans l’avoir est pendable, sans autre forme de procès. Le patron de notre barque n’avoit pas fait cette réflexion, croyant que je n’en avois pas besoin. Le défaut de ce papier, joint aux méchans habits que nous avions, obligea les gardes du port à nous dire que nous avions la mine d’être pendus le lendemain au matin. Nous leur répondîmes que nous étions connus de M. le baron de Vateville, qui commandoit pour le roi d’Espagne dans le Guipuscoa. Ce mot fit que l’on nous mit dans une hôtellerie, et que l’on nous donna un homme qui mena Joly à M. de Vateville, qui étoit au Passage, et qui d’abord jugea, par ses habits tout déchirés, qu’il étoit un imposteur. Il ne le lui témoigna pourtant pas à tout hasard, et il vint me voir dès le lendemain à mon hôtellerie. Il me fit alors un fort grand compliment, mais embarrassé, et d’un homme qui avoit accoutumé, au poste où il étoit, de voir souvent des