Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/95

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Chavigny, premier ministre de M. le prince, que je dictai en badinant à M. de Caumartin, touchèrent à un point cet esprit altier et superbe, qu’il ne put s’empêcher d’en verser des larmes en présence de douze ou quinze personnes de qualité qui étoient dans sa chambre. L’un de ceux-là me l’ayant dit le lendemain, je lui répondis, en présence de messieurs de Liancourt et de Fontenay : « Je vous supplie de dire à M. de Chavigny que, connoissant en sa personne autant de bonnes qualités que j’en connois, je travaillerois à son panégyrique encore plus volontiers que je n’ai fait au libelle qui l’a tant touché. ».

Je vous ai déjà dit ci-dessus que j’avois fait la résolution de demeurer tout le plus qu’il me seroit possible dans l’inaction, parce qu’il est vrai que j’avois beaucoup à perdre, et rien Il gagner dans le mouvement. J’accomplis en partie cette résolution, parce qu’il est vrai que je n’entrai presque en rien de tout ce qui se fit dans ce temps-là, étant très-convaincu qu’il n’y avoit rien de beau à faire pour l’ordinaire, et que le bon même ne se feroit pas dans le peu d’occasions où il étoit possible, à cause des vues différentes et compliquées que chacun avoit, vu l’état des choses. Je m’enveloppai donc, pour ainsi dire, dans mes grandes dignités, auxquelles j’abandonnai les espérances de ma fortune ; et je me souviens qu’un jour M. le président Bellièvre me disant que je devois me donner plus de mouvement, je lui repartis sans balancer : « Nous sommes dans une grande tempête, où il me semble que nous voguons tous contre le vent. J’ai deux bonnes rames en main, dont l’une est la masse de cardinal, et l’autre la crosse de Paris. Je