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DE CONRART. [1652]

prit et de mérite, de ses parens, qui lui ont donné des avis qui lui pouvoient être fort salutaires ; mais elle n’en a jamais profité. Elle souffre que toutes sortes de gens aillent chez elle ; et quoi que sa belle-mère, qui est une des plus acariâtres de toutes les vieilles prudes, ait pu faire pour l’en empêcher, elle n’y a pu donner ordre ; et elle fait toujours si bien par son extrême complaisance, qu’elle n’est point mal avec elle, et que sa porte est ouverte à tout le monde.

Un des plus extravagans qui la voie est l’abbé de Romilly, inconsidéré et débauché au dernier point, qui dit avec une effronterie inconcevable tout ce qui lui vient à la bouche quand il est ivre. Elle le souffre néanmoins assez volontiers, parce que dans les collations et les conversations où ils se trouvent ils se jettent tout à la tête l’un de l’autre, et disent et font mille autres folies, qu’elle aime aussi bien que lui. Un jour ayant fait débauche chez elle avec son mari, comme ils furent tous deux bien ivres, cet abbé voulut user de quelque liberté impertinente ; et elle le repoussant, il lui dit : « Madame, vous faites bien la cruelle aujourd’hui ! vous ne l’êtes pas toujours tant ; et ce que j’ai obtenu de vous autrefois pouvoit bien me faire espérer que vous ne me repousseriez pas si rudement. Il est vrai qu’il m’en a coûté quelque point de Gênes et quelque jupe ; mais je tiens mon argent bien employé, puisqu’il m’a valu ce que vous m’avez accordé. » Elle le traita d’ivrogne, de riant, et lui dit qu’il ne falloit pas prendre garde à lui en l’état où il étoit. Le mari ne lui dit autre chose, sinon : « Abbé, va, va-t’en chez toi ; tu ne sais ce que tu dis ; tu es ivre, et moi aussi. » On a dit depuis que cet