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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/192

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[1652] MÉMOIRES

en avoit jamais eu de considérables qui eussent voulu s’allier avec elle : ce qui faisoit que le père et les parens avoient peine à consentir à cette alliance. Mais la crainte du péril l’emporta sur toute autre considération ; et pour se décharger d’une personne qui leur donnoit tant d’inquiétude, ils se résolurent de la sacrifier à leur repos ; d’autant plus que les avantages que Gondran lui faisoit étoient grands pour le peu de bien qu’elle lui apportoit, car elle n’eut pas plus de huit mille écus de mariage. Ainsi le mariage ayant été rompu une fois sur les conditions, que l’on demandoit trop hautes du côté de la fille, se renoua et fut consommé. Pendant qu’elle étoit accordée, tous les galans étoient tous les jours chez sa sœur à lui en conter, se mettant à genoux devant elle, et faisant toutes les autres badineries que font les amoureux transis ; et le pauvre serviteur étoit à un coin de la chambre avec quelqu’un des parens à s’entretenir, sans oser presque approcher d’elle, ni lui rien dire. Il n’a jamais paru qu’elle eût ni estime ni affection pour lui. Outre sa brutalité naturelle et son humeur de goinfre, qui fait qu’il s’enivre fort souvent, et même avec des galans de sa femme, il a quelquefois des saillies de jalousie qui lui font dire mille impertinences, jusque là qu’il en vient avec elle aux injures, et même aux coups, à ce que disent quelques-uns. Elle a si peu de conduite, qu’elle dit et fait souvent des choses qui donnent grand sujet de penser d’elle le mal qui n’y est pas ; et plusieurs femmes plus habiles qu’elle, et aussi malicieuses qu’envieuses de sa beauté, lui ont joué beaucoup de fois des pièces sanglantes sur ses propres naïvetés. Il y a eu même des personnes d’es-