Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
MÉMOIRES

time. Sur cela, Chavigny, quelque foible qu’il fût, se fit lever, n’ayant que sa robe de chambre sur lui, et alla dans son cabinet, où il prit une cassette qu’il fit apporter dans sa chambre ; et s’étant remis au lit, la déposa entre les mains de Saint-Quelain et de Du Guet-Bagnols[1], homme d’esprit, fort riche, et qui, ayant été maître des requêtes, avoit vendu sa charge pour se dévouer entièrement aux œuvres de piété et de charité, suivant les maximes de Port-Royal, dont il tenoit la conduite, leur disant que dès long-temps il avoit mis dans cette cassette pour huit ou neuf cent mille livres d’effets qu’il avoit destinés aux pauvres, pour tenir lieu de restitution de ce qu’il pouvoit posséder de son bien avec scrupule ; et qu’il les prioit, soit qu’il mourût ou qu’il ne mourût pas, d’en vouloir faire la distribution en conscience : ce qu’ils lui promirent. Cela se fit fort secrètement, et sans que la femme de Chavigny en sût rien.

S’étant confessé ensuite, on différa de le faire communier, à cause de quelque remède qu’il avoit à prendre, et parce que tous les médecins assuroient qu’ils ne voyoient rien à appréhender. Mais tout-à-coup on vit l’assoupissement, qu’il n’avoit eu que fort léger, augmenter : lui-même le sentant, demanda le cardinal de Retz pour se réconcilier avec lui ; et craignant qu’il ne pourroit venir à temps, il dit que s’il perdoit la parole et la connoissance avant qu’il arrivât, il prioit ses amis présens de lui témoigner qu’il

  1. Il avoit mandé Du Guet-Bagnols, sur ce que Saint-Quelain n’avoit pas voulu se charger seul d’une chose de cette importance, qui pouvoit le mettre en peine s’il fût venu faute de Chavigny, comme il arriva en effet. (Note de Conrart.)