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MÉMOIRES

de…[1], que le duc avoit mis auprès d’elle comme un espion pour empêcher qu’elle ne fît aucune galanterie ; et elle avoit été si adroite qu’elle avoit trouvé moyen de le gagner, et de l’obliger à tromper son mari en sa faveur. Lors même qu’elle vit que Vardes lui échappoit et qu’elle ne le pouvoit plus retenir, elle voulut se forcer d’écouter les recherches de M. d’Anjou[2], qui en devint en ce temps-là passionnément amoureux, et qui s’y prenoit de si bonne grâce et s’y conduisoit si sagement, qu’un homme qui eût eu deux fois son âge, beaucoup d’expérience, et qui n’eût pas eu les avantages de sa naissance et de sa condition, n’y eût pu mieux réussir. Le voyant agir de cette sorte, elle faisoit tout ce qu’elle pouvoit pour répondre aux avances qu’il faisoit, afin de guérir une passion par une autre ; mais la première étoit si avant dans son cœur, qu’elle ne l’en pouvoit bannir. Les choses étoient en cet état-là quand elle mourut : et bien que cette intrigue fût extraordinairement secrète, je l’ai sue d’original de quelqu’un qui en eut la confidence, et qui me l’a contée depuis la mort de cette belle personne[3].

Le marquis de Vardes avoit épousé la fille[4] du feu premier président de la chambre des comptes, Nicolaï ; et peu après leur mariage, le bruit courut partout qu’il étoit impuissant : ce qui passoit pour une

  1. L’abbé de… : Ce nom est en blanc dans le manuscrit.
  2. M, d’Anjou : Philippe de France, frère de Louis xiv, qui porta le titre de duc d’Anjou jusqu’en 1661, que Gaston, duc d’Orléans, étant mort, le Roi lui donna le titre de duc d’Orléans, qu’il a transmis à sa maison.
  3. Le grave Conrart raconte cette anecdote du même sérieux qu’il auroit fait le récit d’une affaire d’État. C’est un trait de plus pour le tableau des mœurs de ce temps-là.
  4. La fille : Catherine Nicolaï.