La lutte entre cette faction et le parlement devenoit chaque jour plus violente. Le 13 de mai, un nouvel arrêt publié le lendemain défendit encore les réunions de l’Ormée ; le peuple, non content d’avoir maltraité les huissiers, courut au Palais, et demanda avec menaces la révocation de l’arrêt ; l’Ormée porta l’audace jusqu’à ordonner que les magistrats qu’il qualifîoit de suspects sortiroient de Bordeaux[1].
Le prince de Conti lui-même, obligé de subir le joug de la révolte, fut réduit à l’humiliation de solliciter auprès de l’Ormée un délai qui lui fut refusé. Il fallut se soumettre à la force ; et le président Pichon sortit de la ville, accompagné de plusieurs autres magistrats[2].
Cependant la terreur régnoit dans Bordeaux. Les princes, divisés de passions et d’intérêts, s’emparèrent tour à tour des fureurs des ormistes, dont ils firent les instrumens de leurs haines et de leurs dissensions domestiques[3]. Les habitans du quartier du Chapeau-Rouge essayèrent vainement de résister à ces désordres ; les ormistes l’emportèrent, et les rues de Bordeaux furent jonchées de morts[4]. Ces factieux, maîtres de l’autorité, plongèrent la capitale de la Guienne dans toutes les horreurs d’une sanglante anarchie.
Telle étoit la position de Bordeaux au mois de dé-
- ↑ Douzième Courrier bourdelois, t. 75 des Mazarinades de la bibliothèque de l’Arsenal, pièce 72.
- ↑ Journal de tout ce qui s’est passé à Bordeaux depuis le premier juin jusqu’à présent ; Paris, 1652, même volume, pièce 45.
- ↑ Mémoires de La Rochefoucauld, article intitulé Fin de la guerre de Guienne.
- ↑ Journal de tout ce qui s’est passé en la ville de Bourdeaux, depuis le 24 juin, entre les bourgeois de la ville et les ormistes ; Paris, 1652, tome 75 des Mazarinades de la bibliothèque de l’Arsenal, pièce 50.