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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 57.djvu/115

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tt2 RELATION

m’ébranler avant que d’aller à la charge, etj’étois maître de l’intervalle. Ainsi je pouvois choisir la quantité qu’il m’eût plu de combattre. Enfin la nature m’avoit offert le plus beau poste du monde, même M. le prince l’avoit trouvé occupé ; en sorte qu’il m’a dit plusieurs fois depuis qu’il auroit souhaité que le prince d’Orange et le chevalier de Villeneuve eussent suivi leur pointe jusqu’à nous, persuadé que nous eussions eu un plus grand avantage.

Pour entrer dans cette plaine que je vous marque, il avoit fallu passer derrière le défilé sous lequel les ennemis tenoient leurs troupes à couvert, et l’espace contenu entre ce défilé et l’eau étoit uni et plein de sable car le Rhin le couvrant presque tout entier lorsqu’il est gros la cavalerie de la maison du Roi, qui s’y vint teger ensuite, s’y pouvoit poster commodément. Cependant quelques coureurs que j’avois détachés devant moi venant me rapporter qu’il paroissoit encore des ennemis derrière ces haies qui bordoient la plaine ou j’étois en bataille, j’envoyai m’assurer seulement de ma droite, afin de poster des gens de deçà pour travailler à l’établissement du pont. Plusieurs personnes de qualité, et des officiers même, ayant envie d avancer, je ne le voulus point faire, pour ne me pas dessaisir du poste avantageux que j’avois occupë, et qui pouvoit assurer le passage au Roi contre l’armée ennemie. J’envoyai pourtant Ricous à M. le prince, pour lui rendre compte de l’état où nous étions, recevoir ses ordres et lui dire que dès que j’aurois ma seconde ligne formée, j’allois me mettre à portée des ennemis qu’il étoit apparent qu’ils n’étoient point encore assez forts pour oser entrer dans ia plaine et me venir charger : mais que puisqu’ils tenoient encore dans leur camp et faisoient feu contre nos dragons qui étoient de l’autre côté de l’eau à l’aile droite, il étoit apparent qu’ils attendroient dans ce poste la tête de leur armée, et que, comme il falloit passer par dessus eux pour voir leurs derrières, j’allois attendre ses ordres avant que de rien engager.

Dès que Ricous eut fait ce rapport M. le prince prit un petit bateau fit passer ses chevaux à la uage, et vint à nous avec M. le duc, M. de Longueville, messieurs de Marsillac, de Bouillon, et plusieurs autres. Tous ces messieurs marchoient un peu sur la