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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/153

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MÉMOIRES

tranchée de Lille, attirer par son courage cette belle parole d’un soldat qui, le voyant exposé aux coups de mousquet, et un page de la grande écuyerie tué derrière lui, le prit rudement par le bras, en lui disant : « Ôtez-vous ; est-ce là votre place ? » Il est vrai que son courage pensa se laisser aller aux continuelles instances des courtisans empressés et flatteurs. Le vieux Charost, qui étoit alors capitaine des gardes du corps en quartier, lui ôta de dessus la tête son chapeau et son bouquet de plumes, et lui donna le sien ; mais le voyant un moment après un peu incertain de ce qu’il avoit à faire, il lui dit à l’oreille : « Il est tiré, sire ; il le faut boire. » Le Roi le crut, demeura dans la tranchée, et lui en sut si bon gré, que dès le soir même il rappela à la cour le marquis de Charost, qui étoit exilé je ne sais où. Mais à propos du siége de Lille, le comte de Brouay en étoit gouverneur pour le roi d’Espagne ; et tous les matins il envoyoit de la glace au Roi, parce qu’il avoit appris qu’il n’y en avoit point dans le camp. Un jour le Roi dit au gentilhomme qui venoit de sa part : « Je vous prie, dites à M. le comte de Brouay que je lui suis bien obligé de sa glace ; mais qu’il m’en devroit envoyer un peu davantage. — Sire, repartit l’Espagnol sans hésiter, il craint que le siége ne soit trop long, et qu’elle ne vienne à lui manquer. » Il fit aussitôt une grande révérence, et s’en alla. Mais le vieux Charost, qui étoit derrière le Roi, lui cria tout haut : « Dites à M. de Brouay qu’il n’aille pas faire comme le gouverneur de Douay, qui s’est rendu comme un coquin. » Le Roi se retourna, et lui dit en riant : « Charost, êtes-vous fou ? — Comment, sire,