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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/154

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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

répliqua-t-il ? le comte de Brouay est mon cousin. » Enfin on verra le Roi céder à peine aux instances de M. de Turenne, qui le menaça bien sérieusement de quitter l’armée s’il continuoit de venir à la tranchée sur un grand cheval blanc, avec un plumet blanc, comme pour se faire mieux remarquer, dans le même temps qu’il avoit répondu aux assiégés que son quartier étoit partout, de peur que le respect ne les empêchât d’y tirer. Je le suivrai à la campagne de Hollande, à Maëstricht, à Valenciennes, à Cambray, à Mons, à Namur, et partout où sa présence s’est bien fait sentir à ses ennemis. Je n’oublierai, s’il m’est possible aucune de ses vertus ; mais aussi je n’oublierai pas ses défauts. Pétri de la même boue que César et Alexandre, il aura ses foiblesses aussi bien qu’eux, et quelquefois le héros laissera paroître l’homme.

Et qu’on ne s’aille pas imaginer que ce ne sont ici que des paroles, et que je n’oserois faire ce que je promets avec tant de hardiesse, pour ne pas dire d’insolence. Je déclare d’abord que ce que je vais écrire demeurera pendant ma vie dans l’obscurité de mon cabinet : comment oserois-je parler librement du prince et de ses ministres ? Le pas seroit glissant ; et si je me fais des affaires avec eux ou avec leurs enfans, ce ne sera du moins qu’après avoir pris mes mesures par une séparation éternelle. Ainsi, malgré la flatterie, vice dominant de tous les siècles, je mettrai sur le papier tout ce que je saurai de plus secret et de plus vrai ; et je me vante d’en savoir beaucoup.

J’avois près de dix-sept ans à la mort du cardinal Mazarin ; et, par l’éducation qu’on m’avoit donnée, j’étois mieux instruit des affaires qu’on ne l’est ordi-