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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/191

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MÉMOIRES

se voyant seul, il fut obligé de donner un contre-ordre, et de demeurer en repos. Il se douta bien qu’il y auroit quelques traîtres parmi ses amis, et que son entreprise avortée viendroit à la connoissance de la cour. Il hésita quelques momens s’il se retireroit ; mais enfin, prenant courage, il alla à la messe du Roi à l’ordinaire, et se donna à l’extérieur un air de fermeté et d’innocence qu’il croyoit capable de le sauver. Il se trompa ; et trois jours après il fut arrêté et mis à Vincennes.

M. de Caumartin m’a conté que tous ses amis craignant qu’on ne l’empoisonnât, tinrent un petit conseil pour imaginer les moyens de lui faire tenir du contre-poison. Madame de Lesdiguières se chargea de la commission. Le marquis de Villequier, présentement duc d’Aumont, faisoit l’amoureux d’elle : il étoit capitaine des gardes du corps. Elle s’adressa à lui, et le pria de faire donner au cardinal un pot d’opiat pour les maux d’estomac, auxquels il étoit sujet. Villequier lui promit tout, croyant la chose innocente et faisable. Il en alla demander la permission à la Reine : elle voulut voir le pot d’opiat, et le fit voir au cardinal, qui reconnut d’abord que c’étoit du contrepoison. Il avoit un grand usage de ces sortes de compositions.

La Reine fut fort en colère qu’on la crût capable de se servir de poison. Elle en parla aux ministres : M. Servien proposa d’ôter l’opiat, et de faire donner le pot plein de véritable poison, pour punir une défiance si mal fondée et si offensante ; mais M. Le Tellier s’y opposa fortement, et l’on se contenta de supprimer l’opiat.